Galerie de Mézières - TIBOUCHI

23.10.2023

du 24 au 29 octobre 2023

"TRACES ÉCRITES"

Petits formats

Hamid TIBOUCHI, peintre et poète, vit et travaille en région parisienne. Sa production, abondante, est protéiforme : poèmes, peintures, dessins, gravures, photos, livres d’artiste, livres-objets, estampes numériques, décors de théâtre, vitraux, illustrations de livres et revues… Il expose régulièrement en France et à travers le monde. Prix du public au Salon parisien « Découvertes » en 1994. Il figure dans de nombreuses collections privées et publiques (notamment : The British Museum, Londres ; Centre Georges Pompidou, Paris ; The National Gallery of Fine Arts, Amman, Jordanie ; Musée national du Mali, Bamako). Il est l’auteur d’une vingtaine de plaquettes et recueils de poèmes. Dernière publication : « Des traces de riens » (Maison de la Poésie Rhône-Alpes, 2022).

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« L’homme est libre dans l’espace qu’il invente. » Jean-Luc Parant.

Dans mon espace (que je choisis pour sa pauvreté), j’invente en toute liberté mes propres écritures. Même si, par leurs formes, elles font parfois penser à des écritures existantes, ces “écritures” – que je préfère désigner par le terme de “désécritures” – sont aléatoires et illisibles.

L’écriture pour elle-même : le geste d’écriture considéré en tant que tel, placé hors de tout langage conventionnel signifiant.

Je désécris : je détricote en quelque sorte toutes ces pages de textes abscons qu’adolescent l’on m’a obligé à écrire dans une langue qui m’était totalement étrangère. On n’apprend pas une langue à coups de pensums à répétitions. Ou très mal. Trop mal. Trauma.

Trop de mots. De bavardages. Trop de sens. Produire du sens (cette injonction de sens !). Je tombe sous l’excès de sens comme je m’écroule sous l’absence totale de sens. Du sens, oui, mais juste ce qu’il faut. Il n’empêche qu’il m’arrive par moments d’apprécier le non-sens, l’absurde, l’illogique. Le pas de côté salutaire. La pichenette au sens commun.

Pourquoi toujours avoir un but ? L’art, c’est de ne pas en avoir. C’est aller dans tous les sens sans savoir ce que l’on cherche. Si besoin, s’autoriser à changer de direction. Jusqu’à ce que quelque chose d’inattendu surgisse. Se surprendre soi-même. La découverte, l’invention, c’est à ce prix.

Besoin de silence. De préférence, communiquer par gestes et regards.

À certains moments, économie du geste. À d’autres, profusion de gestes. La méditation peut céder la place à l’excitation, l’exaltation.

Il peut aussi y avoir du “bruit”, de la violence dans mes désécritures, mais c’est en silence qu’elles crient, qu’elles décrient. Mes désécritures crient aussi bien dans le noir que dans le blanc.

Un cri a toujours un sens. La douleur, la colère, l’effroi, le plaisir, etc.

Si mes désécritures crient, c’est qu’elles expriment quelque chose,c’est donc qu’elles ont un sens.

Désécrire c’est sans doute une autre façon d’écrire. C’est probablement écrire à l’envers. Écrire envers et contre tout. Se délester de cet amas de sens devenu confus, encombrant. Ce peut être aussi défaire ce que l’on a soi-même écrit. Ou que les autres ont écrit. Pour l’écrire autrement.

Écritures d’instinct, d’intuition, spontanées. Qui ne mentent pas.

Écritures végétales, écritures minérales : voilà tout ce que j’affectionne, des écritures évidentes et qui pourtant demandent parfois à être déchiffrées.

L’évidence est ce que personne ne voit et qui reste caché jusqu’au moment où quelqu’un l’exprime, le plus simplement du monde, comme un citron.

H. TIBOUCHI